Quand on arrive sur la home du nouveau Google Books Edition (il faut avoir une IP américaine pour cela, sinon, visiblement, vous n'accéderez à rien d'autre qu'à l'ancienne interface puisque le projet pour l'instant ne se destine qu'aux Etats-Unis : une ouverture pour l'Europe est prévue début 2011), que vient de lancer Google, on est frappé par cette brisure de l'écran en deux. Google ne nous avait pas habitué à cela.
Il y a désormais deux projets Google Books qui intéressent les livres et la presse sur Internet, - l'un est magasin en ligne qui permet d'acheter et de consulter des livres électroniques (Google ebooks store), l'autre est un moteur de recherche dédié aux livres (Google Books Search) (sans compter Google Scholar dédié aux articles de revues qui est pleinement complémentaire dans le champ de la connaissance) - et il n'est pas sûr qu'ils parviennent à nouveau à se rejoindre un jour. La bibliothèque personnelle de chaque utilisateur enregistré est censée être le point de ralliement des deux projets, mais elle donne accès à une interface trop personnalisée pour être pleinement fédératrice. La première impression avant d'entrer dans cette librairie en ligne est qu'elle repose sur un éclatement, une double option, comme s'il y avait deux projets concurrents, comme si l'Ogre de Mountain View était en train de devenir une hydre à têtes multiples.
La seconde impression de cette première visite donne le sentiment que cette ouverture a été précipitée. Sur la home de la boutique, trois des liens accessibles : la liste des bestsellers du New York Times, celle des livres de Noël et des meilleurs livres de 2010 conduisent à une page d'erreur. J'ai tendance à penser que c'est peut-être lié à ma connexion (pas sûr que tous ceux qui ont eu accès à la boutique aient eu cette erreur). Mais la perspective d'être absent des ventes de Noël a visiblement joué.
La quatrième impression est que l'intégration de la boutique rend le moteur de recherche de livres d'un coup déséquilibré. Comme on le voit dans cette capture d'écran, d'un coup une recherche donne la part belle aux livres de Google sur les livres proposés par la concurrence. L'équité, qui avait paru être un gage du projet Google Books Search, puisqu'après discussions, Google avait incorporé de nombreux libraires tiers à son moteur, est rompue. Google se donne un avantage commercial. "Le Léviathan Google, qui ne se voulait que le relais de toute l'information, de toutes les connaissances de l'univers", comme le dit Brigitte Simonnot dans L’entonnoir : Google sous la loupe des sciences de l’information et de la communication . Son projet démiurgique à long terme de numérisation des connaissances du monde est visiblement déchiré par son objectif de rentabilité immédiate qu'incarne cette boutique. Les deux logiques de Google s'affrontent et se synthétisent dans ce projet.